lundi 27 octobre 2008

Entre les murs



Je suis en retard, mea culpa : je n'ai vu "entre les murs" qu'aujourd'hui. Je ne pouvais donc taire mes impressions à chaud.

La première pensée qui m'est venue à l'esprit quand la lumière s'est rallumée : "Pourquoi, l'Esquive n'a t-elle pas eu la palme d'or, en son temps?"
L'esquive, c'était du cinéma. J'avais adoré ce film.

Le choix de la palme reste ici politique.

Mes amis m'avaient dépeint les élèves de cette classe de 4ème comme de sombres sauvages. Or, j'ai trouvé l'esprit et l'indiscipline de cette classe bien en deçà de ce à quoi j'ai déjà fait face, à Nanterre, devant des CM2.
Une copine m'avait même avoué que ce film poussait au racisme. Diantre!
A part 3 cas vraiment difficiles, j'ai trouvé les élèves volontaires, vifs certes mais volontaires. Leur enseigner le français m'aurait plu, je crois.

Les choix pédagogiques du prof, en revanche, m'ont laissé un goût amer :
Pourquoi juger Voltaire trop difficile pour des élèves de 13 ans?
Pourquoi admettre que l'imparfait du subjonctif ne sert finalement à rien si ce n'est dans les milieux "snobs"?
Il faut les pousser vers le haut nos rejetons! Esmeralda a adoré la République, de Platon, n'en est-ce pas le symbole précis?

Pourquoi, pour se faire à tous prix aimer, donner toujours raison aux élèves, jusqu'à admettre que l'Autriche revêt peu d'utilité sur la carte de l'Europe?

Quant à mettre en danger et en suspens toute une classe à cause d'un élève (quand le prof interrompt son cours pour emmener lui-même Souleymane chez le principal), ça tient de la faute professionnelle, ni plus, ni moins.

Et admettre le chewing gum, la veste et le sac à main en classe alors que depuis la maternelle, les élèves sont conditionnés à obéir sans broncher à ces règles de base, c'est à mon sens, de la démagogie.

Je sais ce que vous pensez : la critique est facile et l'art est difficile.
Mais là réside le problème : y a t-il dans la pédagogie de Bégaudeau un art quelconque de pousser ses élèves vers le haut? J'en doute.

Faire lire les autoportraits d'élèves à la classe entière, ça aussi c'est maladroit. Je l'avais fait une fois avec des CM1 excités et ça avait tourné aux règlements de compte interpersonnels, aux conflits socio-personnels. Ça avait été le clash, le pujilat et ça avait vite viré au délit de sale gueule.

Bien sûr qu'il a du bon ce prof : son humanité à fleur de peau, son réel attachement à ses élèves...

Mais sa volonté de se faire aimer l'emporte sur sa volonté de transmission de savoir savant.

Et cette satanée maladresse.

Peut-être que si je le critique autant, c'est parce qu'en lui je me reconnais.

Ah...ce foutu besoin de plaire...

J'ai néanmoins aimé ce "film" même s'il m'apparaît difficile de poser un jugement de valeur sur un fait de société filmé et non un film.


A part ça, tout va moyennement, vous l'aurez compris.

5 commentaires:

J. a dit…

Tes amis font peur ... j'ai beau retourner le film dans tous les sens je ne vois pas comment il peut pousser au racisme ... à moins d'être raciste tout bêtement et de chercher à se déculpabiliser ... bref c'est un autre sujet passionnant. Pour parler du film, je trouve que ce qui est intéressant c'est justement le côté imparfait (réaliste) des "acteurs", la maladresse de (des) enseignant(s), le décalage entre les codes sociaux des élèves et celui des enseignants (la notion de respect dans les familles versus celle de l'école), la valorisation de la culture d'origine des élèves nécessaire à ce qu'ils "acceptent/absorbent" la culture française plus sereinement et sans colère (i.e. sans qu'ils se sentent obliger de gommer la leur). Je trouve que ce film a le mérite d'exister pour tracer la voie à d'autre film
(fictions, docu., ...). Le même sujet du point de vue des élèves serait aussi très intéressant. Il y a eu Le gône de chaaba adaptation du livre de Azzouz Beggag mais c'était déjà une autre époque où l'on n'avait pas besoin de se justifier pour être raciste.
Je t'embrasse en espérant ne pas avoir été trop long et trop brouillon ... (ça ne se fait pas sur un blog de maitresse :-))

-M- a dit…

En bien des points, cher J., tu as raison et j'avoue que mes impressions à froid diffèrent quelque pas de celles ressenties juste post projection.
Pour le racisme, tu as évidemment parfaitement raison. A moins de ne jamais avoir quitté son 16ème, et encore, je ne vois pas comment on peut prendre en grippe réellement tel ou tel élève dans ce film, surtout sous prétexte que ses parents ne sont pas nés "ici".
D'accord aussi avec toi sur l'intérêt des maladresses des élèves, c'en est touchant.
En revanche, je pose plus de limite quant à celles du profs, certainement parce que moi aussi, j'en suis une.
Ce film est une tranche de vie, qui se mange sans faim, et qui, bien entendu ouvre le dialogue sur la réalité de l'enseignement aujourd'hui.
Je me suis trouvée trop triviale dans ma critique quand j'ai énoncé que ce n'était pas un film. Si, c'en est un, au même titre que ceux des frères Dardenne ou "Ca commence aujourd'hui" le sont.
Ce n'est pas le film que j'ai critiqué, mais le prof.
Aussi, a t-il arrêté peu de temps après le film, son métier.
Je t'embrasse à mon tour.

richard a dit…

Cette discussion sont hautement professionnelles... Ton avis sur le film en dit en plus beaucoup sur ta pratique pédagogique. Mais au fait, il n'y a pas de cul dans ce post ?

Anonyme a dit…

... en passant

Les profs disent généralement ne pas avoir apprécié ce film. Sans doute parce qu'il est en deça de leurs attentes ou peut être comme tu le dis parce qu'ils se reconnaissent dans les imperfections de ce prof. Mais c'est surtout parce qu'ils projettent beaucoup trop de leur personne dans ce film qui n'est pas fait pour eux... Tu ne pouvais pas aimer

-M- a dit…

Richard : Pas de cul, pas de Mel.

Fred : J'ai aimé ce film.